In Memoriam Laurence Caillet (1947-2023)

Publié le 15 novembre 2023 Mis à jour le 20 novembre 2023
Laurence Caillet
Laurence Caillet

L’ensemble du département d’anthropologie s’associe à la grande tristesse causée par la mort de Laurence Caillet. Eminente spécialiste du Japon, elle avait dirigé le département plusieurs années avec la rigueur, la finesse et l’ampleur de vue qui étaient les siennes et avait encadré de nombreuses thèses de doctorat.

Date(s)

du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024

Texte du LESC
Après avoir commencé des études de médecine et d’arabe, Laurence Caillet est devenue en 1970 journaliste au Bureau international de la radiodiffusion télévision japonaise (NHK), et s’est formée à l’ethnologie à l’université de Tokyo. De retour en France, elle a obtenu son doctorat à l’INALCO, puis plus tard son HDR à l’EHESS. Chargée de recherche au CNRS, elle a été rattachée au Collège de France avant de devenir professeure au Département d’anthropologie de l’université Paris Nanterre et de rejoindre le Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative. Elle a assuré de nombreuses fonctions au sein de nos institutions de recherche et d’enseignement, occupant tour à tour les postes de directrice du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, de directrice du Département d’anthropologie de l’université Paris Nanterre, de chargée de mission auprès de la présidence de cette même université, et de directrice scientifique adjointe de l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS.
Laurence a mené de nombreuses enquêtes dans le Kansai, le Tôhoku et à Tokyo, sur les rituels saisonniers d’abord (Fêtes traditionnelles en Asie : Japonpublié en 1984 ou Fêtes et rites des 4 saisons au Japon en 2002), puis plus généralement sur les processus de construction des savoirs religieux (Ethnographies japonaises en 2006) et la manière dont ils venaient se frotter à une modernisation galopante (La maison Yamazaki en 1991 ou Démons et merveilles. Nuits japonaises en 2018). Soucieuse de restituer le grain des situations vécues sans rien ôter de leur complexité et de leurs nuances, elle a porté une grande attention à l’écriture, tant celles auxquelles avaient recours ses interlocuteurs que la sienne propre. Le Japon, disait-elle, « est un grand pays moderne où le mot “ethnologie” appartient au langage ordinaire d’une population très éduquée » (Caillet 2006). De sorte que, dès lors que l’on se donne pour tâche de « pénétrer les arcanes d’un savoir local extrêmement construit » (ibid.), les informateurs sont parfois, à un degré ou à un autre, des collègues. Pointant, bien avant que cela ne devienne la norme, l’importance de la réflexivité et du « travailler avec » plutôt que du « travailler sur », elle invitait à compliquer la posture d’enquête, en intégrant une connaissance du savoir du Japon sur lui-même et un appareil critique spécifiques, sans cesse à réinterroger, et ce jusque dans l’écriture.
De nombreux étudiants et collègues se rappelleront son intelligence, sa rigueur, sa curiosité, sa générosité, son humour également. Travailler à ses côtés a été un plaisir et a contribué à former durablement des manières de pratiquer la discipline et d’approcher le Japon. Jusque dans la maladie qui l’a touchée durement ces dernières années, elle parvenait à cultiver un art de la distance et de l’observation qui finit d’honorer la discipline qu’elle a magnifiquement servie.

Mis à jour le 20 novembre 2023